ADN : Afrique, es-tu là?

7 février 2024 - Matthieu Fannière

Dépouillée de ses racines par l’esclavagisme, la communauté afro-américaine fonde beaucoup d’espoir dans les tests génétiques pour se réapproprier son histoire.

Pendant plus de deux siècles, des millions d’Africains et d’Africaines ont été séparé·e·s de leur famille et ballotté·e·s entre plusieurs propriétaires esclavagistes. Leurs déplacements ont laissé peu (ou pas) de traces.

Aujourd’hui encore, leur descendance subit le contrecoup de cette perte de repères identitaires. Alors que les recherches généalogiques se heurtent au mur de l’esclavage, la génétique fait renaître l’espoir.

Une recherche compliquée

Les tests récréatifs donnent des résultats beaucoup moins précis pour les personnes d’origine africaine que pour celles aux origines européennes.

La majorité de la clientèle étant d’ascendance européenne, les bases de données des compagnies contiennent principalement ces ADN. Mais les choses changent… Avec la popularité des tests génétiques, la précision augmente pour les résultats d’autres origines, y compris ceux de l’Afrique.

Autre facteur compliquant les recherches : les frontières africaines sont récentes et les populations n’ont cessé de se mélanger au fil des siècles. Un phénomène qui s’est accentué avec l’esclavage.

Dreamstime

Dans la mire des compagnies

Certaines compagnies ciblent spécifiquement les Américain·e·s d’origine africaine. Médiatisées par des célébrités comme Morgan Freeman ou Oprah Winfrey, ces entreprises promettent à leurs client·e·s de déterminer leur pays ou même leur ethnie d’origine.

«Souvent, ces compagnies ne communiquent pas clairement l’incertitude de leurs résultats, dit Simon Gravel. Ça ne leur coûte rien de promettre tout et n’importe quoi. Comment les gens peuvent-ils vérifier?»

L’intérêt est bien sûr lucratif. Ces compagnies s’associent notamment à des agences de voyages spécialisées. Une fois que le client ou la cliente a reçu ses résultats, on lui propose une visite organisée dans son pays d’origine.

Faire parler les morts

Au 18e siècle, Charleston, en Caroline du Sud, figure parmi les villes les plus prospères des États-Unis. Pour assurer la main-d’oeuvre nécessaire à ses centaines de plantations, elle devient une plaque tournante de l’esclavage. On estime que 40 % des esclaves arrivant aux États-Unis transitent par son port.

En 2013, des travailleurs et travailleuses de la construction découvrent par hasard un site de 36 tombes d’esclaves anonymes. Des organismes et des scientifiques s’associent pour retracer leur histoire et leur donner un peu de dignité.

Une équipe de recherche a soigneusement recueilli les dépouilles. Puis des analyses génétiques ont été effectuées sur 18 d’entre elles. Les résultats montrent que ces personnes, principalement des hommes, étaient originaires de la côte ouest de l’Afrique, de la Gambie jusqu’au Gabon. Les corps sont réenterrés et un mémorial est construit sur les lieux de la découverte. Une manière de remonter le fil du temps et de panser les plaies de l’esclavage.

Suprémacistes métissé.e.s

En 2013, le suprémaciste blanc Craig Cobb apprenait en direct à la télévision le résultat de son test ADN : 86 % européen et… 14 % africain! Dans un pays métissé comme les États-Unis, ce résultat n’a rien d’étonnant. Cobb n’est donc pas le seul raciste à découvrir que son ascendance n’est pas aussi «blanche» qu’il l’espérait.

Aux États-Unis, deux sociologues ont étudié les publications sur un forum nationaliste blanc. Les membres de ce site, réservé aux «100 % blancs, européens et non juifs», doivent passer un test ADN pour être accepté·e·s. Mais seulement un·e sur trois obtient un résultat «satisfaisant».

La majorité des membres se découvrent des origines noires, juives ou autochtones. Certain·e·s sont alors rejeté·e·s par la communauté, d’autres remettent en cause la méthodologie du laboratoire, quand ils ou elles ne mettent pas leurs «mauvais résultats» sur le dos d’un grand complot! Évidemment.

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